Nous rendons hommage à un auteur qui nous a quitté récemment, peu connu du grand public, Albert Bandura. (1925-2021)
Concentrons-nous d’abord sur la théorie
Albert Bandura est un psychologue canadien qui a mis en avant la théorie de l’apprentissage sociale et le sentiment d’efficacité personnelle.
Si nous devons choisir une définition de la notion de Sentiment d’Efficacité Personnelle, ce serait celle-ci : Bandura soutient que les individus agissent quand leurs croyances d’efficacité et leurs attentes de résultats les amènent à penser que l’effort semble en valoir la peine. Les meilleures compétences dans un domaine peuvent être réduites à néant si le sentiment d’efficacité personnelle de la personne est faible dans ce domaine. Autrement dit, un fonctionnement efficace ce serait de bonnes aptitudes et une bonne manière de les orchestrer et des croyances fortes en son efficacité personnelle. Il est également important de préciser que Bandura parle du sentiment d’efficacité personnelle dans un domaine ou sur une tâche précise et à un moment précis : on peut avoir un sentiment d’efficacité personnelle fort en bricolage et faible en tennis, il ne faut pas généraliser la notion !
Albert BANDURA décrit 4 sources qui permettent d’accroître le sentiment d’efficacité personnelle chez l’individu.
– L’expérience active de maîtrise : Pour Bandura, l’expérience active de maitrise est la plus influente. Il s’agit en fait des expériences vécues des individus sur telle ou telle tâche : les succès ou les échecs qui commencent très tôt dans la vie. Des succès répétés augmenteront le sentiment d’efficacité personnelle et inversement en cas d’échecs répétés. Si des personnes n’expérimentent que des succès faciles, ils peuvent être vite découragés par l’échec. Les difficultés fournissent des occasions d’apprendre mais il faut pour cela que les personnes soient convaincues que l’effort sera récompensé.
– L’expérience vicariante : Les individus ne se basent pas seulement sur leurs expériences pour obtenir des informations sur leurs aptitudes, ils se basent aussi sur ce que Bandura appelle les expériences vicariantes, c’est-à-dire les réalisations d’autrui. Cette pensée pourrait se résumer à cela : « Si une autre personne de mon groupe arrive à réaliser cette tâche, alors je peux y arriver aussi ». C’est ce que Bandura appelle aussi « le modelage ».
– La persuasion verbale consiste à encourager par la parole l’apprenant. Bandura explique qu’elle permet de renforcer le sentiment d’efficacité personnelle ou de le soutenir dans des moments d’efforts. Bandura explique également que des évaluations sociales basses sont souvent masquées par des louanges excessives pour des tâches faciles à réaliser, ou par une proposition d’aide trop fréquente. Le fait d’attribuer à une personne des tâches avec peu d’enjeu transmet également le message de jugement négatif vis-à-vis des capacités de la personne. En revanche, faire un retour évaluatif centré sur le progrès plutôt que les erreurs augmente le sentiment d’efficacité personnelle.
– Les états physiologiques et émotionnels de la personne : Devant une situation ou une tâche, chaque individu ressent quelque chose physiquement et psychologiquement. Ces émotions et sensations sont activées par la situation et ceux-ci influent sur la performance de l’individu. Les personnes interprètent leurs réactions comme un signe de vulnérabilité ou comme au contraire un signe de contrôle efficace.
Les propositions concrètes d’Albert Bandura pour augmenter le Sentiment d’Efficacité Personnelle en formation ?
Equiper les apprenants de capacités autorégulatrices
Bandura explique qu’« un objectif fondamental de l’école est d’équiper les élèves de capacités autorégulatrices qui leur permettent de s’éduquer eux-mêmes. L’auto-direction contribue non seulement au succès dans l’instruction formelle mais favorise également un apprentissage tout au long de l’existence.
Donner des objectifs proximaux aux apprenants et des feed-back réguliers
Le formateur doit axer son feed-back sur les progrès accomplis, plutôt que sur ce qui reste à apprendre. Cette méthode devrait amener le stagiaire à plutôt se centrer sur son taux de progrès plutôt que de comparer ses résultats à celui de ses pairs. En éloignant les relations de compétitivité entre les apprenants, cela créé une structure plus coopérative, où les membres s’encouragent mutuellement et s’entraident. Le fait d’avoir des relations sociales soutenantes avec le formateur et ses pairs aide beaucoup à augmenter le sentiment d’efficacité personnelle
Développer le partenariat entre les différents acteurs internes et externes
Bandura met en avant les points communs des écoles qui réussissent : Pour lui, le directeur de l’école doit avoir un fort leadership pédagogique et chercher des méthodes pour augmenter le sentiment d’efficacité personnelle des formateurs/enseignants et de tout le personnel. Il doit aussi avoir des attentes élevées de réussite et « une ferme conviction que les élèves peuvent atteindre les objectifs ». (Bandura Albert(2007) Auto-efficacité : le sentiment d’efficacité personnelle, De Boeck, coll. Ouvertures psychologiques P368).
L’école doit favoriser aussi le travail d’équipe entre les formateurs pour que les apprenants puissent faire le lien entre les matières. Il faut plus de travaux collectifs entre les matières. Avec le monde de l’entreprise, l’école doit également développer des partenariats notamment dans le cadre des apprentissages pour que le tuteur en entreprise et l’enseignant/formateur continue le travail de guidage collectivement.
Quelles conclusions pouvons-nous tirer de cet auteur lorsqu’on met en place une formation en e-learning ou en blended learning ?
Tout d’abord, pour suivre une formation à distance, ou hybride (présentiel+ e-learning+visio), il faut que l’apprenant ait une bonne capacité à s’auto-réguler, qu’il ait une bonne capacité à apprendre par lui-même. Pour apprendre, il ne suffit pas de regarder une vidéo par exemple, il faut la revoir, chercher des informations, se confronter à des exercices, se tromper, poser des questions…Donc, voici une des questions à se poser sur vos apprenants avant de mettre en place un dispositif hybride : Mon public a-t-il une bonne capacité à s’auto-réguler ?
Lorsque l’auteur nous parle du feed-back, on pense à l’importance du tutorat sur les formations à distance et du mentorat également. Mais pas seulement : sur une formation digitale, il s’agira de créer des quiz, des jeux, avec des feed-back personnalisés qui encouragent l’apprenant. Mais attention à ne pas créer des questions trop faciles avec des louanges trop importantes, cela diminuerait l’effet voulu.
Autre point : Les compétences doivent être découpées en sous compétences, ce qui rend la performance à atteindre moins impressionnante. Cela soutient bien le fait qu’il faut privilégier le micro-learning et les capsules digitales courtes. Cela favorise la concentration et permet des feed back rapides, et donc favorise le sentiment de maîtrise et donc le sentiment d’auto-efficacité.
Autre atout des dispositifs à distance : L’apprenant étant assez seul, il fera moins de comparaison sociale, ce qui peut être un atout pour des personnes qui ne sont pas à l’aise avec le regard des autres et ne souhaitent pas se mesurer aux pairs. Mais si on veut être clair, c’est un faux atout car le groupe apporte beaucoup en formation et encore plus à distance. L’idée de mettre en place un forum sur votre LMS, de laisser les apprenants échanger en visio entre eux, de les faire travailler en sous-groupe est un atout beaucoup plus important.
Enfin, pour favoriser un bon état émotionnel chez l’apprenant, rien de tel que le jeu ou alors les mises en situation. Le travail du concepteur e-learning et du graphiste aura son importance car si votre module est ludique et ergonomique, la motivation de l’apprenant en sera augmentée !
Rédigé par Stéphanie VIEL, chef de projet formation chez Axilos